Les personnes originaires d’Afrique, discriminées dans des hôtels et des campings
Même pour partir en vacances, les personnes originaires d’Afrique subissent des discriminations. Certains campings et hôtels rejettent leurs réservations alors qu’ils acceptent les demandes de clients au nom « français ».
Publié le 26 décembre 2024
https://www.inegalites.fr/discriminations-origine-vacances - Reproduction interditeLorsque Julien Bernard se renseigne sur la disponibilité et le prix d’un hébergement pour ses vacances, il obtient 60 % de réponses positives. Mais lorsque Babacar Ndiaye fait la même demande, il n’en obtient que 50 %. Cet écart de dix points lié au nom de famille du demandeur représente pour une personne originaire d’Afrique de l’Ouest plus de 20 % de chances [1] en moins d’obtenir une réponse positive par rapport à un autre client portant un nom et un prénom d’origine française.
Pour parvenir à cette conclusion, trois chercheurs [2] ont envoyé en mai et juin 2024 des demandes fictives pour une réservation en août. Chacun des 468 établissements touristiques testés a reçu trois demandes similaires. Similaires ? Pas tout à fait. Le nom et l’adresse du client étaient différents afin de tester d’éventuelles discriminations envers les personnes portant un nom d’origine africaine d’une part, et envers les habitants de Seine-Saint-Denis, d’autre part. Les réponses ont ensuite été comparées à celles d’un « client de référence » qui porte un nom d’origine française et ne mentionne pas son adresse.
Commençons par les bonnes nouvelles. Les hôtels, campings et chambres d’hôte ne désavantagent pas les personnes qui mentionnent une adresse en Seine-Saint-Denis, département connu pour sa population défavorisée. De même, les loueurs de chambres sur la plateforme Airbnb répondent de manière identique aux clients, quels que soient leur prénom et leur nom.
Mais face aux professionnels du tourisme, le constat est amer : une partie significative des hôtels et des campings ont apporté une réponse défavorable au client qui porte un nom africain, mais une réponse favorable au client au nom français. La discrimination est encore plus fréquente lorsque le prix de la nuitée dépasse 118 euros et dans les hôtels trois étoiles. Les chercheurs concluent à une « pénalité de grande ampleur […] d’autant plus forte que la position de gamme du lieu d’hébergement est élevée ».
Il est quasiment impossible pour un particulier de savoir s’il a été discriminé lorsqu’il reçoit une réponse négative, et encore plus de le prouver. L’expérience systématique réalisée par les chercheurs démontre que les établissements qui discriminent sont minoritaires, mais qu’ils réduisent significativement les chances des personnes originaires d’Afrique de réserver un hébergement pour les vacances. Dans les faits, les personnes noires sont probablement contraintes à se renseigner auprès d’un plus grand nombre d’établissements, à consacrer plus d’énergie à la recherche d’un lieu de vacances, voire à se rabattre sur des locations qui répondent moins bien à leurs attentes.
Ne pas parvenir à réserver un hôtel est sans doute moins grave que d’être écarté d’un logement. Mais cet exemple montre que les discriminations peuvent miner tous les moments de la vie, y compris dans un contexte de loisir où chacun doit pouvoir prétendre à détente et hospitalité. La vie des personnes qui n’ont pas la « bonne » couleur de peau est jalonnée par ces obstacles, plus ou moins graves, plus ou moins explicites, mais qui reviennent régulièrement et marquent en profondeur ceux qui les subissent tant elles sont injustifiables.
Taux de réponses positives selon l’origine | |||
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Nom et prénom d’origine française | Nom et prénom d’origine africaine | Écart brut | |
Campings, hôtels et chambres d’hôte (hors Airbnb) | 63,1 | 49,7 | -13,3 |
Airbnb | 49,1 | 49,1 | 0,0 |
Ensemble | 59,8 | 49,6 | -10,3 |
Source : CNRS – Données 2024 – © Observatoire des inégalités
Photo / © Topsphere media, Unsplash
[1] Pour l’explication du calcul d’un rapport de chances, voir notre article « Rentrée scolaire : où en est-on des inégalités à l’école ? ».
[2] « Les discriminations ne prennent pas de vacances : un état des lieux dans l’hébergement de loisir », Denis Anne, Sylvain Chareyron et Yannick L’horty, CNRS, septembre 2024.
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