Avec combien vivent ceux qui n’ont rien pour vivre ?
Des centaines de milliers de personnes survivent avec des revenus indignes, faute d’accès aux minima sociaux. Quelques sources statistiques permettent d’estimer la faiblesse de leurs ressources. Une analyse de Louis Maurin.
Publié le 4 septembre 2024
https://www.inegalites.fr/Avec-combien-vivent-ceux-qui-n-ont-rien-pour-vivre - Reproduction interditeLes plus pauvres n’ont pas de problème de fin de mois : ils n’ont rien dès le premier jour du mois. Pourtant, il faut bien survivre. Personne ne peut vivre sans argent. Combien arrivent-ils à se procurer en faisant la manche, en ayant recours aux associations, à l’aide de leur famille ou d’amis ? 100, 200 euros ? Un peu plus ? Il est extrêmement difficile de répondre à cette question.
Décrire les ressources des personnes qui vivent avec les moyens financiers les plus faibles dépasse ce que peut mesurer un système statistique. Il s’agit de personnes qui vivent en marge, à la rue, dans des squats, qui sont hébergées de manière ultra-précaire et qui n’apparaissent donc pas dans les enquêtes.
On sait tout de même que près d’un quart des personnes qui se dirigent vers le Secours catholique n’ont tout simplement aucun revenu, 40 % ont un niveau de vie inférieur à 276 euros par mois pour une personne seule, la moitié a moins de 490 euros [1]. Le plus faible des minima sociaux est l’allocation versée aux demandeurs d’asile, qui atteint 426 euros par mois pour ceux qui ne sont pas hébergés. Le montant du revenu de solidarité active (RSA) est de 635 euros, montant diminué de 73 euros pour ceux qui disposent d’un hébergement. Les réfugiés déboutés du droit d’asile n’ont le droit ni de travailler, ni de percevoir une allocation. Les moins de 25 ans et les étrangers vivant en France légalement depuis moins de cinq ans n’ont droit à aucun minimum social non plus.
L’Insee ne diffuse malheureusement pas de données sur les revenus les plus faibles, mais l’institut européen Eurostat le fait. Selon l’organisme, le 1 % le plus pauvre – environ 600 000 personnes – vivrait avec moins de 400 euros par mois pour une personne seule en France, l’équivalent de 600 euros pour un couple et de 1 000 euros pour un couple avec deux adolescents. Les seuils des 5 % les plus modestes se situeraient respectivement à 840, 1 250 et 2 100 euros selon la composition de la famille. Et encore, on ne tient compte ici que des personnes disposant d’un logement et qui résident en France métropolitaine.
À ce niveau de revenus, les plus pauvres des plus pauvres sont contraints de recourir au soutien d’amis, de leur famille, d’associations caritatives ou des centres communaux d’action sociale, qui peuvent fournir vêtements, nourriture, hébergement, soins, etc. Les quelques euros dont ils disposent leur permettent d’assurer ce qui est juste au-dessus du minimum vital, par exemple accéder à un abonnement de téléphone portable devenu indispensable ou payer quelques extras qui aident à tenir le coup (alcool, tabac, etc.). Leur vie consiste à assurer le minimum pour survivre et à espérer des jours meilleurs, à des années-lumière des normes actuelles de la société de consommation.
La France est un pays qui protège moins mal les plus démunis que les autres États. Pour autant, à l’évidence, le filet des minima sociaux est percé, notamment pour celles et ceux qui vivent à la marge et qui ne remplissent pas les « conditions » pour les percevoir parce qu’ils errent, n’ont pas les bons papiers ou l’âge requis. « La nation garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. », dit notre Constitution [2]. Des mots vides de sens pour les plus pauvres. Éliminer la pauvreté extrême consisterait d’abord à trouver les moyens de redéfinir ces « conditions » pour que chacun et chacune dispose d’un minimum décent.
Source : Eurostat – Données 2022 – © Observatoire des inégalités
Photo / Towfiqu Barbhuiya, Unsplash
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