La carte de la pauvreté en France en trois dimensions, une première
Pour la première fois en France, l’Observatoire des inégalités propose une carte du nombre de ménages pauvres pour l’ensemble de la France à un niveau territorial très détaillé : des carreaux de 200 mètres de côté seulement. Exploration.
Publié le 16 janvier 2025
https://www.inegalites.fr/La-carte-de-la-pauvrete-en-France-en-trois-dimensions-une-premiere - Reproduction interditeL’Observatoire des inégalités publie la première carte de France qui affiche à la fois le taux de pauvreté mais aussi le nombre de ménages pauvres, représentés en trois dimensions. Cette carte, une première en France, permet d’explorer la France à une échelle très fine. Elle a été réalisée par le géographe Romain Thomas [1].
À partir de données qui portent sur des carreaux de 200 mètres de côté, nous présentons deux indicateurs. Le premier (en couleur) est la proportion de ménages pauvres en 2019, selon l’Insee. Plus les carreaux sont foncés, plus le taux est élevé. Le second indicateur (en relief) reflète le nombre de ménages pauvres : plus la colonne est haute, plus les ménages pauvres sont nombreux.
Ces carreaux ont le grand intérêt de permettre une visualisation à un niveau très fin, qui ne dépend pas des limites administratives des territoires. En effet, certaines zones très marquées par la pauvreté peuvent devenir invisibles quand on observe uniquement la moyenne d’une commune. C’est à l’évidence le cas pour Paris, mais ce l’est aussi pour de plus petites communes. Dans certains territoires, les quartiers pauvres s’étendent entre plusieurs municipalités.
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L’immense majorité des travaux sur la pauvreté à l’échelle locale portent sur les taux, c’est-à-dire sur la proportion de ménages modestes. On mesure alors, dans une zone donnée, la part de personnes démunies dans la population. Comme le taux ne prend pas en compte le nombre absolu d’habitants du territoire donné (la densité de population), on masque le nombre de pauvres. 20 % de ménages pauvres rapporté à une dizaine d’habitants, ce n’est pas la même chose que s’ils sont 10 000. En fonction de sa population, la même surface d’une carte peut représenter quelques ménages pauvres comme des milliers, ce qui modifie la manière de comprendre le phénomène.
Quand on observe notre carte d’en haut, on ne voit plus que les taux de pauvreté, les reliefs disparaissent. Des taches foncées ressortent fortement en milieu rural notamment, signalant un taux de pauvreté important. Mais elles ne représentent qu’une population très faible. Quand on incline la carte pour faire apparaître les données en trois dimensions, le nombre de ménages pauvres apparaît. On voit que ces derniers vivent massivement dans les villes et de leurs banlieues proches. Là où se trouvent les emplois et les logements sociaux.
On a beaucoup insisté sur la pauvreté en milieu rural ou en zone périurbaine en raisonnant à partir de taux de pauvreté, en oubliant la densité et le nombre de personnes pauvres. Notre outil permet une nouvelle lecture, complémentaire. Il reste vrai que vivre dans un environnement qui concentre la pauvreté n’est pas la même chose que vivre dans un territoire plus mixte, même s’il est très peu peuplé.
Pour réduire le nombre de pauvres, c’est d’abord au sein des villes et leurs banlieues qu’il faut agir [2]. À l’évidence, les politiques qui sont actuellement menées demeurent insuffisantes, en particulier la politique de la ville qui s’adresse à un petit nombre de quartiers dits « prioritaires » (englobant environ 8 % de la population), avec de faibles moyens.
Pour réduire les écarts entre territoires, il faut notamment une politique du logement social plus ambitieuse qui arrête de concentrer les pauvres dans les mêmes zones et s’étende dans les quartiers favorisés. Il faut contraindre les communes qui rejettent les plus démunis, à accroître leur parc de logements sociaux et refonder la péréquation des ressources [3] entre territoires riches et pauvres.
Louis Maurin
Les limites de notre outil |
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Cette carte est expérimentale. Nous utilisons les données 2019 (les dernières disponibles) de l’Insee au seuil de pauvreté de 60 % du niveau de vie médian. Toute la population n’est pas représentée : pour garantir le secret statistique, chaque carreau de 200 mètres de côté comprend au moins onze ménages. En dessous de ce nombre, l’Insee donne au carreau une valeur moyenne qui dépend des carreaux voisins. Par ailleurs, l’Insee ne prend pas en compte les sans-abri, ni les personnes qui vivent en collectivité (en maison de retraite par exemple). Les départements d’outre-mer ne sont pas représentés non plus. Il s’agit ici de ménages, et non de personnes, car nous ne disposons pas de données individuelles. |
[1] Voir son site : https://romainsologne.fr/
[2] Ce constat n’implique en rien qu’il faille abandonner les territoires ruraux où la pauvreté existe, évidemment.
[3] La manière dont on redistribue la richesse entre commune aisées et pauvres.
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